Au delà du sacrifice
- Julien BEAUVOIS-MOCHOT
- 23 janv. 2023
- 3 min de lecture
Sortir de la nébuleuse !
L'espace est si vaste qu'on y fabrique la peur du vide.
Face au vertige de la liberté, on justifie notre enfermement.
En reconnaissant nos limites, on agrandit concrètement le champ des possibles.
Il faut se choisir une vie pour qu'elle prenne forme.
Avoir une sensibilité particulière, percevoir les nuances et les non-dits, vivre intensément ce qui semble anodin à d'autres, c'est à la fois un magnifique cadeau et une source de souffrance. Comment apprendre à faire exister sa singularité, ne pas succomber aux sirènes de la normalité ou au contraire espérer s'y dissimuler ?
Aujourd'hui, on a tôt fait de se définir hyper-sensible ou haut potentiel, plus rarement pervers narcissique, comme pour mieux faire face au vide et à la sensation d'étrangeté ou d''exil ressenti au contact de la communauté inhumaine. Notre monde émotionnel est souvent plus riche en non-dits qu'en partage. Et pourtant, nous n'avons de cesse de communiquer par inconscients interposés. On se cherche un nouveau club d'élection, une tribu qui saura reconnaître notre caractère exceptionnel à moins qu'on ne choisisse un temps de jouer les loups solitaires.
Cette manie de se trouver une case appropriée ou une étiquette taillée sur mesure justifie la posture victimaire de celles et ceux qui crient dans le désert « Regardez moi pleurer en silence, j'existe »
La culpabilité est un inhibiteur formidable, une force incapacitante . On s'y enferme dans une posture victimaire tout en devenant nos propres bourreaux. Nous passons maître dans l'art de nous réduire à notre part la plus congrue. Ah les pauvres petites choses honteuses que nous sommes !
On se rappelle nos manques et nos insuffisances, on s'interdit de mobiliser nos élans créateurs, ce qui nous tient à cœur. Implicitement on s'en remet à une loi extérieure et on ressasse. Qui viendra nous sauver de notre merditude ?
Si ma liberté s'exerce par la reconnaissance de mes limites, m'affranchir de cette culpabilité morbide passe par identifier ce qui est de mon ressort et ce qui ne l'est pas ou plus. Mon corps physique fonde les limites entre moi et le monde extérieur. Il me faut l'apprivoiser, apprendre à l'entendre dans ce qu'il dit et ce qu'il est, un organisme vivant et non un robot multi-fonction. Je me sentirai « bien dans ma peau » si je lui consacre les soins et la tendresse que je donnerai à un nouveau né.
La culpabilité se nourrit d'injonctions entendues et intégrées très tôt, le perfectionnisme la nourrit. Comme s'il fallait être excellent pour avoir le droit d'exister. Et si la perfection n'est pas de ce monde, on en devient donc mort-vivant.
Se regarder avec humour et tendresse, célébrer ses petites victoires sont d'autres clés pour renvoyer ce fantôme aux abysses.
Il faut s'imaginer des bourreaux pour ne pas voir que nous renonçons à nos libertés d'être et d'agir.
Être libre, c'est poser des choix en accord avec soi, s'en savoir l'auteur.
Le temps est à l'auto-détermination, on peut créer ses propres valeurs et piocher parmi l'infinité d'informations disponibles, ce qui fait sens pour nous.
S'autoriser à vivre et à jouir. La mode n'est plus aux logiques sacrificielles, le collectif n'est plus l'inspirateur d'un idéal que les individus rejoignent, il devient la somme apparemment confuse des individualités. Il n'y a plus un récit auquel tous peuvent adhérer.
Cette liberté individuelle, ça peut sembler vertigineux, le champ des possibles est là, la peur aussi, celle de se tromper ou de faire mal à l'autre.
Comme si un juge implacable attendait la bonne réponse, un sévère roi de pique qui présiderait aux enfermements. On espère moins la récompense qu'on ne craint le châtiment. Et la rétribution ne vient pas car nous ne nous en sentons jamais tout à fait digne.
Nous nous privons d'abondance par solidarité pour ceux qui ont moins que nous et pour ne pas rejoindre la cohorte des mauvais possédants qui mettent la terre à genoux. Il ne faudrait pas être de ceux qui participent à la destruction de notre planète et de ses ressources. Nous voudrions être meilleurs que nos parents, des humains plus aboutis.
Comme si "bien faire" pouvait nous protéger de la souffrance et de la mort ou nous offrir l'amour qui nous fait défaut.
.png)



Commentaires