Entre la plume et l'enclume #1

On peut être et avoir. Faire vœu de pauvreté ne rend pas meilleur mais indigent. Sans le sou, on se borne à rêver la vie qu'on aurait aimé oser obtenir si la Providence avait été plus docile ou moins chienne. C'est un réflexe un brin puéril, une pure perte pour reprendre à mon compte et d'un ton caustique l'abécédaire marchand.

On peut faire pour être et l'acte affirme les dires. Sans agir, on est plein de potentiels évanescents ou en dormance. Les réalisations concrétisent nos désirs, les obstacles stimulent notre capacité à nous renouveler. S'assouplir et se muscler, rebondir.

Des sentences très spirituelles tirées des enseignements de la vie monacale et religieuse d'un autre temps prônent un dépouillement qui confinerait à la sainteté. On retrouve aussi, je vais me faire de nouveaux amis, ce fond de commerce dans de nouvelles idéologies prétendues révolutionnaires ou tout du moins alternatives.

On peut ne pas partager les valeurs d'une société consumériste et matérialiste sans se retrancher du monde. Réciter un mantra ne remplit pas le frigo, à moins d'être payé ou dédommagé pour le faire. En ce cas, c'est un métier ou un sacerdoce. Diaboliser l'argent parce que certains en ont une utilisation perverse, ce serait comme considérer le sexe fondamentalement néfaste puisqu'il y a des viols commis quotidiennement.

Pour moi, l'équilibre vaut mieux que la pureté qui est souvent un fantasme compensatoire. L'individu devient éthéré fuyant la "dure réalité", les contingences et ses propres paradoxes. Déni quand tu nous tiens...

Bref, avant de vouloir être lumineux par dessus tout, il est utile de sortir ses poubelles et de détricoter les fonctionnements névrotiques qui se présentent par paquet de 12. Et accepter d'avoir une vie normale, l'extraordinaire attendra... Les moments de grâce.

Mange ta glace.