L'instant présent ne suffira pas.

L'instant présent ne suffira pas. D'ailleurs il est déjà parti sans que personne ne l'ait vu.

Je rebondis sur une discussion tenue en petit comité à la St Sylvestre pour aborder avec vous ce sujet polémique.

Ah je n'allais pas vous laisser trop longtemps sans une annonce provocatrice dont j'ai le secret à défaut du monopole.

Laissez donc passer le duc de la répartie bien sentie, l'éclaireur aux punchlines assassines, celui dont l'égo bien placé fracasse les portes étroites du néo-conformisme.

Les commerciaux de la "spiritualité m'a tué" stipulent que vivre dans l'instant présent est une panacée, chose déjà évoquée par le lointain latin Horace et son fameux "Carpe Diem".

Mais mes agneaux, savez-vous que le nombre de personnes sujettes à la dépression augmente quand les perspectives de se projeter dans un futur à moyen ou long terme sont réduites.

Toute ressemblance avec le contexte actuel serait d'ailleurs purement fortuite...

Je déroule mon fil. Si la vie contemplative est une profession de foi pour les mystiques, les penseurs, les poètes et les ivrognes, elle devient rapidement une source d'insatisfaction pour le commun des mortels. Tenez, les moines eux-mêmes ont un quotidien hyper ritualisé qui ne laisse pas grand chose au hasard, on peut chercher Dieu et avoir horreur du vide.

Alors, s'il est avantageux de ne pas se perdre dans les projections d'un esprit inquiet qui redoute le lendemain et lui préfère l'ennui, qu'il est bon mazette d'avoir des projets dans lesquels s'investir et dépenser l'énergie dont on dispose.

Vu sous un certain angle, le mien en l'occurence, cet injonction à vivre l'instant cache avec peine le fantasme d'un éternel présent paisible et gracieux qui garantirait l'absence de souffrance, de chaos et de décomposition des corps.

Ce slogan ne signe-t'il pas l'abandon de notre volonté propre, de notre pouvoir de décision au profit de la Grâce ?

Grâce, qui quand on méconnaît les mécanismes du Vivant et de la psyché humaine s'apparente à une tombola.

Serions-nous à ce point des enfants qu'il faille renoncer à notre action responsable et aux risques pris pour se laisser charrier par les eaux d'en-haut et l'au-delà ?

Si ce courant était une onde pure, ce serait tentant, que diable !

Mais la création tourbillonnante, dans sa manifestation est duelle, la prédation y tient une grande place et on joue des coudes plutôt qu'on ne se les serre.

J'entends les plus zélés et pieux d'entre vous marmonner qu'on a vu le loup et l'agneau vivre en bonne entente et qu'un jour tous les cousins seront frères, sans dérive incestuelle ni quenelle.

Il n'est pas interdit de vouloir faire advenir un paradis mais pour le voir il vaudrait mieux partir d'un état des lieux lucide que d'un voeu pieux.

J'en ai fini pour ma diatribe du jour, je vous la souhaite bien bonne camarades. Osez vous projeter vaillamment et disséminer vos graminées!

Carpe Diem quand même