Oser sa singularité
- Julien BEAUVOIS-MOCHOT
- 23 janv. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 juil. 2024
Je suis bel et

Bien seul et
Unique.
Cette singularité que je porte, tu ne peux me l'offrir.
Ma solitude est la condition essentielle pour t'approcher.
Pour te voir au delà du costume dont je t'ai affublé ou que tu arbores comme un pare-soleil
Ce rôle dont je suis lassé est-il vraiment de ma composition ?
Irais-je vers moi-même, jusqu'à en oublier les projets qu
e d'autres ont eu pour moi?
Je me sculpte, à mains nues et avec les outils que d'autres ont conçu, trouvé ou m'ont transmis.
Je me rencontre dans ces miroirs que mes amis, mes opposants et ceux dont je me fous, me tendent.
La scène est belle, les lumières ont été agencés, je ne vois pas le metteur en scène.
Les conditions sont favorables pour que j'incarne le(s) personnage(s) dont j'ai rêvé dans le secret de mon cœur.
Je marche vers moi, sans savoir où mes pas me portent, même si ma météo intérieure est à l'orage. Si les dieux et les déesses ne sont pas chiens, de bon cœur qu'ils m'applaudissent pour me donner du courage.
Ça me met en joie, amener une touche de magie personnelle, dans ce soi-disant réel.
Jouer, incarner un personnage, chanter, dire, improviser et écrire, transmettre !
Donner vie à mon désir viscéral de raconter l'humain sous toutes ses coutures, de l'écouter dans ses silences et d'exister aux yeux de mes semblables.
Dégoupiller mon imaginaire poétique, voir fleurir les feux d'artifice.
La scène, cet espace quasi rituel où la technique s'efface en un clin d'oeil complice devant l'Instant.
Dans cette aventure-là, sans corps habité, pas de vie vécue, sans souffle, pas de voix, au bas mot...
Corps, formidable vaisseau vivant, où les émotions affleurent ou se cristallisent.
Nos corps révèlent et traduisent : la beauté, la violence, les peurs, l'amour, la vie et la mort, les non-dits, la jouissance et j'en passe.
Malicieuse, l'inspiration nous guette, cherchant le m
oment propice pour déverser dans nos routines aveugles quelques bulles de folie et de sagesse.
A mes yeux bleus, ce que la Vie nous propose, c'est d'entrer en lien, avec soi et avec les autres. C'est que l'un ne va pas sans l'autre.
On va choisir la solitude comme pour fuir la souffrance que les rencontres blessantes produisent en nous. Rares sont les mystiques pas en toc qui se retirent du monde pour ne faire qu'un avec le Vivant.
A nous les insatisfaits, les quémandeurs, les fous d'espoir, les trop sûr d'eux pour être parfaitement honnêtes, et j'en passe, l'épreuve de la relation nous fait nous rencontrer dans nos aspirations, nos manques, nos calculs d'apothicaire, nos blessures fraîchement cicactrisées et dans nos élans du cœur.
Et la Vie elle-même nous appelle, pas seulement nos congénères, notre chat borgne ou le hamster de la voisine.
Au delà du langage dont on abuse, j'en suis un pa
rfait exemple, n'y a t'il pas d'autres voies pour communi(qu)er, avec un arbre, une pierre ou la rivière d'en bas ?
Laisser un temps de côté ce qu'on tient pour vrai, laisser parler nos sensations, notre corps et notre âme d'enfant.
Toucher une qualité de présence, avec ou sans technique particulière et se faire l'écho de nos ancêtres, qui loin de la caricature qu'on en fait, s'accordaient à entendre les voix de la Nature.
C'était avant que nous ne soumettons celle-ci à nos caprices, comme pour se venger de la crainte révérencieuse qu'elle nous avait longtemps inspirés.
Quand aimes tu être Toi ?
Te mettre à penser plutôt que de mettre ton mental sous cloche. Que réfléchir la matière première, la mettre en lumière soit ton invention et non une ritournelle démodée. Plutôt la question laissée sans réponse que la certitude d'un autre avalée sans être mastiquée.
Pour être son propre maître, il faut reconnaître ses esclavages, des plus évidents aux moins avouables. Je peux me rebeller contre les dominations dont je suis l'objet sans regarder mon amour pour la soumission, le confort que j'y trouve et comment je m'y complais.
Vivre c'est s'inventer, picorer, voler ce qui n'appartient à personne et faire sa cuisine. Dieu ne demande pas de droits d'auteur.
J'en ai lu des livres, avide de percer le sens caché pour sortir de l'hallucination collective, soulager ma souffrance et répondre à des interrogations nées de ma sensation d'être suspendu.
J'en ai cherché des réponses pour tuer le temps, dribbler l'ennui ou par peur de prendre le mur du réel en pleine face.
J'ai fait mine de savoir (je le fais à l'instant même, prétendant le contraire) et je m'en persuadais, trop content de pouvoir délivrer des réponses et d'ajouter du mystère au mystère.
J'ai retenu que le diable se cache dans les détails et je scrutais chaque détail comme pour mieux voir l'adversaire partout.
Je n'ai jamais vu en fin de compte que moi dans un miroir. Et si ce moi est une chimère, c'est que j'ai rêvé...
La majesté de la vie se cache dans ces mêmes détails plus que dans le chef d'œuvre qu'il faudrait avoir réalisé pour abolir l'angoisse de la mort et "l'oubli que nous serons".
Tout doit disparaître mais pas comme nous le craignons. Une intelligence sans limite et dont la nôtre n'est qu'un reflet trompeur ordonne, transforme et détruit le foisonnement du Vivant. Seul notre état d'auto hypnose nous empêche d'en jouir et de mourir en souriant.
A l'instant même.
Dans le fond, ce n'est pas si grave, même se prendre au sérieux est un Jeu. Aujourd'hui, il n'est pas plus important pour moi de m'éveiller à ma nature profonde que d'élever mon enfant. Et si c'était la même chose in fine...
Notre humanité, telle que nous la connaissons est en crise d'adolescence, pourtant il nous est demandé d'être nos propres parents. Et non les parents de nos parents, je vous ai vu venir.
La raison et la folie, le parler vrai et le délire se confondent pour n'être qu'une musique que nous jouons et entendons, que nous le veuillons ou nous, tous ensemble.
Tant qu'on y met du sentiment...
Deux enfants intérieurs vivent en chacun.
L'un est créatif et rieur, l'autre blessé et peureux.
Les deux comptent sur notre écoute.
L'enfant blessé demande notre tendresse et le créatif nous invite à lui laisser de la liberté.
Serons nous être enfantins sans être puérils ?
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